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Accueil arrow La situation actuelle des journaux en langues nationales au Burkina Faso


Quelle est la motivation des éditeurs de journaux en langues nationales ? 

 

Une étude sur la situation des journaux en langues nationales réalisée en 1994 révèle la richesse et la multiplicité  des titres  en langues nationales. Plus de 60 titres ont paru à travers le paysage de la presse burkinabé depuis 1969. Au moment de l’étude,  32 avaient existé et ne paraissaient plus, 15 paraissaient  momentanément, 10 étaient en projet et 3 paraissaient plus ou moins régulièrement. Ces journaux étaient initiés pour la plupart par des églises, des ONG, des associations et des projets de développement.

Créée en 1993, l’Association des éditeurs et publicateurs de journaux en langues nationales (AEPJLN) recense à ce jour une vingtaine de journaux membres dont 16 journaux actifs, édités dans 7 langues locales, dont 9 en langue moore, langue commune à 50% des burkinabés. Ces journaux couvrent les principales régions linguistiques du Burkina Faso. Ils sont vendus en grande majorité dans les zones rurales. Le plus bas tirage est de 500 exemplaires et le plus grand tirage est de 3500 exemplaires.

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Les directeurs de publication de Buudayembre et de Sõore



Les objectifs de ces éditeurs sont :

  • la promotion des langues nationales et de l’alphabétisation

  • l’appui à l’auto-promotion du monde rural par la formation et l’information

  • la création d’un environnement lettré propice au maintien des acquis de l’alphabétisation

  • la création d’un cadre d’échange et de communication entre les acteurs et les promoteurs du monde rural


En résumé, il ressort des actes fondateurs des journaux en langues nationales que les éditeurs de journaux se donnent pour ambition de promouvoir « le développement intégral de l’homme et le développement humain durable ». 

A partir de cette ambition la ligne éditoriale des différents journaux traduit cette vision des choses. Il y a des titres entièrement consacrés aux informations techniques autour des questions agricoles, d’élevage et d’alphabétisation, on rencontre des journaux d’informations générales et un journal religieux qui traite d’informations générales sous un angle religieux. 

De cette ligne éditoriale il faut souligner premièrement que les journaux reflètent fortement le monde rural dans sa dynamique et dans sa structuration, deuxièmement les journaux se définissent prioritairement comme des journaux au service de l’éducation, de l’alphabétisation, de la sensibilisation et du développement en général.

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Quels moyens de financement pour les éditeurs de journaux ?

Le problème du financement des journaux en langues nationales est le principal obstacle que rencontrent les éditeurs. En effet, les journaux sont vendus à un prix subventionnés, bien inférieur aux coûts réels de la production. Etant donné le public cible des journaux, à savoir les néo-alphabètes vivant en milieu rural, il n'est pas possible de vendre les journaux à un prix leur permettant d'obtenir un bénéfice. Ces néo-alphabètes sont des adultes n'ayant généralement pas fréquenté l'école et travaillant principalement dans le domaine de la culture vivrière (culture pour leur propre subsistance). La dépense pour un journal est donc très secondaire compte tenu de leurs faibles revenus et des besoins primaires à satisfaire. De plus, pour des gens qui ont eu très peu de contact avec l'écrit depuis leur enfance, la lecture n'est pas une activité habituelle, et le geste d'achat d'un journal est encore assez marginal.


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Les directeurs de publication de journaux membres


C'est pourquoi il est nécessaire dans un premier temps que ce soit les projets ou ONG initiant les campagnes d'alphabétisation qui mettent à disposition des néo-alphabètes de quoi lire. Ce serait donc eux les principaux acheteurs des journaux, en attendant que le lecteur lui-même devienne un acheteur régulier. De nombreuses démarches sont donc faites à leur niveau pour les encourager à être des partenaires solides des éditeurs. Des commandes régulières et substantielles seraient un moyen pour les journaux d'assurer leur parution. Mais ces partenariats restent encore trop faibles en nombre.

Tous les journaux bénéficient, pour la plupart par l'intermédiaire de l'AEPJLN, de la subvention de l'Etat à la presse privée, subvention accordée par le Ministère de l'Information.

Par l'intermédiaire de l'AEPJLN pour ceux qui ne remplissent pas entièrement les critères exigés par le Ministère, à savoir : avoir au moins un agent déclaré à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale, être en règle vis-à-vis des impôts et paraître régulièrement.

Mais pour la majorité des journaux, ces critères sont très difficiles à remplir. En effet, la majorité des journaux n'ont que cette subvention comme apport financier. Si l'éditeur décide de régler ses impôts, il n'aura plus de fonds pour financer la production du journal, il ne paraîtra donc pas régulièrement. Si il décide de financer sa production avec la somme allouée, il paraîtra mais ne sera pas en règle vis-à-vis des impôts ...

Autre fait à noter, cette subvention à la presse privée est partagée entre les journaux en français et les journaux en langues. La répartition est quelque peu déséquilibrée puisque les journaux en langues se partagent 8 % contre 92 % pour les journaux en français ... Ce sont donc des sommes peu importantes que chaque journal peut recevoir.

Et comme certains éditeurs le reconnaissent, il s'agit de recevoir de l'Etat d'un côté, pour le redonner à l'Etat de l'autre ...

Les journaux sont donc très dépendants des fonds extérieurs à l'heure actuelle.

 

Quels succès et quelles difficultés pour les journaux en langues nationales au Burkina Faso ?



Les succès :

 

  • De nombreuses formations à leur actif (collecte et traitement de l’information, techniques rédactionnelles, transcription des langues nationales à l’écrit, gestion, distribution, marketing, informatique, secrétariat de saisie, montage)
  • Matériel informatique pour toutes les équipes de rédaction
  • Contenus rédactionnels très riches : actualité internationale, actualité nationale, actualité régionale et provinciale, santé, contes, agriculture, élevage, éducation/ alphabétisation/ scolarisation, sport, jeux, promotion de la femme, environnement, faits divers, culture et société, pharmacopée (médecine traditionnelle), poèmes …
  • 3 journaux tirent entre 500 et 700 exemplaires, 9 journaux tirent entre 1000 et 1500 exemplaires, 3 journaux tirent entre 1800 et 2500 exemplaires, 1 journal tire 3500 exemplaires
  • 10 journaux ont augmenté leur tirage depuis leur création : 2 de 50%, 1 de  80%, 4 de 100%, 1 de 150%, 1 de 200%

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Le directeur de publication de Sísaala Labááre

 

 











Les difficultés :

  • Des besoins de recyclage et d’approfondissement de certaines formations, et besoin d’étendre les formations à tous les membres de l’équipe de rédaction, en particulier en saisie et montage
  • Manque d’équipement en matériel de reportage (enregistreurs, appareils photo), en matériel de production (scanner, imprimantes) et en moyen de déplacement (mobylettes, vélos)
  • Seuls 2 des éditeurs possèdent leur propre matériel d’imprimerie, les autres font appel à des imprimeries extérieures, ce qui implique un coût élevé pour le tirage
  • 3 journaux ont le même tirage depuis le début, 4 journaux ont vu leur tirage diminuer : 2 par fin de subventions extérieures, 1 par le retrait des lecteurs en Côte-d’Ivoire après la crise
  • La distribution nécessite des coûts élevés que les bénéfices ne permettent pas de couvrir. En effet, pour permettre la vente des journaux dans un large périmètre, cela nécessite des coûts de transport élevés par rapport à la valeur des journaux. Par exemple, pour envoyer par transporteur public un lot de 10 journaux, cela coûte 1 500 FCFA, pour une valeur de 1 250 FCFA dans le cas d’un journal vendu à 125 F. Sans compter le coût pour l’envoi des bénéfices de la vente en retour. Si les éditeurs parviennent à s’équiper de moto, cela nécessitera également un coût élevé en carburant.

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Le directeur de rédaction de Luu nwen

Quels sont les besoins des éditeurs ?

 

Les besoins des éditeurs de journaux en langues nationales restent importants, compte tenu des difficultés liées à leur tâche, et du manque d'appui au niveau national.

C'est principalement un besoin de soutien financier et matériel, pour leur permettre :

 
  • une meilleure structuration, une meilleure organisation dans leur travail
  • de se mettre en règle vis-à-vis de l'Etat en terme d'impôts et de déclaration à la Caisse Nationale de Sécurité Sociale
  • d'organiser des recyclages et des formations complémentaires, ainsi que de former plus largement l'équipe de rédaction
  • de se doter d'un meilleur matériel de reportage (enregistreurs, appareils photo), de production (fournitures, scanner, imprimantes) et de fabrication (machines d'imprimerie)
  • de produire et donc de paraître régulièrement, en ayant à disposition les sommes nécessaires à la production de chaque numéro
  • de mettre en place de bon système de distribution permettant l'écoulement de la production (moyens de déplacement, moyens pour l'envoi des journaux le plus largement possible)
  • de développer les actions de communication et de promotion permettant une meilleure visibilité et une meilleure connaissance du journal
  • d'organiser des activités de promotion des journaux en langues nationales : journée portes ouvertes de l'AEPJLN, concours de rédaction, foire, …

Certains de ses besoins vont dans le sens de l'acquisition d'une meilleure autonomie des journaux : avec davantage de formations et de matériel, cela permet en effet aux éditeurs de gérer le maximum de la production eux-mêmes, en réduisant la sous-traitance, et donc les coûts de fabrication.

 

A titre indicatif, voici le devis estimatif du coût de production et de distribution des journaux :

 

Désignation

Quantité

Prix unitaire

Montant total FCFA

Montant total euros

Collecte et traitement de l'information (frais de déplacement) 

forfait

 

50 000

76,22

Frais de tenue de conférence de rédaction (frais de déplacement du comité de rédaction 2 jours) 

5 pers x 2 j.

5 000

50 000

76,22

Saisie 

25 pages

500

12 500

19,05

PAO (mise en page et tirage sur calque) 

12 pages

5 000

60 000

91,47

Frais d'impression (papier 80 g, format A4, 12 pages, une en bichromie) 

1000 exemplaires

200

200 000

304,90

Frais de distribution 

forfait

 

100 000

152,45

Appui/suivi de l'AEPJLN 

 forfait    40 000
 60,98

TOTAL PAR NUMERO

 

 

512 500

781,30

  Coût de production annuel 

Mensuel 

12 mois

512 500

6 150 000

9 375,60

Trimestriel 

4 trimestres

512 500

2 050 000

3 125,20

 

 

 

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